La courbe de l’oubli est un élément essentiel pour retenir un grand nombre d’informations longtemps. Les apprenant.es étudient des leçons pour les oublier « juste après » l’interro. Je rencontre souvent des parents qui me disent « il connaissait par cœur toute sa leçon et à chaque examen, c’est comme si il fallait tout reprendre à zéro ». La mémoire est un puissant outil qu’il faut comprendre pour l’utiliser au maximum de ses possibilités. La courbe de l’oubli est un principe qui permet justement de comprendre la mémoire. Vous trouverez dans cet article des éléments pour comprendre la courbe de l’oubli et exploiter vos capacités de mémorisation au maximum.

La courbe de l’oubli : C’est quoi  ?

Hermann Ebbinghaus, philosophe de la fin du 19ème siècle, s’est beaucoup intéressé à la mémorisation à long terme. A cette époque, les études sur la mémoire portaient exclusivement sur la mémorisation de texte. H. Ebbinghaus eut la brillante idée de prendre des syllabes qui n’ont aucun sens et d’étudier la manière dont le cerveau allait être capable de les retenir. A partir de cette (pas très dangereuse) expérimentation qu’il a mené sur lui-même puis sur d’autres, il a établi « la courbe de l’oubli ». Hypothèse largement validée depuis lors et très utile lorsqu’il faut répéter ses cours. Voici un exemple illustratif pour l’étude de 20 mots de vocabulaire (il ne s’agit pas d’une étude) :

 

 

La courbe de l’oubli est le nom donné au fait que lorsqu’on mémorise des informations/cours/leçons, le nombre d’informations dont on pourra se souvenir diminue avec le temps. Autrement dit, si vous étudiez 20 nouveaux mots de vocabulaire en anglais aujourd’hui et que vous n’y touchez plus. Il est fort probable que dans 30 jours, le contenu de ce cours soit un vague souvenir, ne parlons même pas de 6 mois après ou 1 an après… 

La courbe de l’oubli permet de comprendre à quelS momentS (au pluriel!!) il faut re-étudier sa leçon/son cours pour s’en souvenir longtemps

Principe 1 : L’oubli est un processus naturel

Tous les jours, nous oublions beaucoup de choses dans notre vie, et heureusement. S’il fallait se souvenir de chaque information aperçue, chaque événement quotidien, chaque plat mangé, chaque mot de chaque SMS écrit ou reçu cela deviendrait infernal.  La mémoire, pour faciliter la vie de tout le monde, a donc développé sa capacité à oublier. Le problème c’est que, notamment dans le contexte scolaire, il faut mémoriser, étudier et ne pas oublier. Le temps d’un examen ou d’une interro au moins. Et c’est là que le bât blesse.

Comment retenir des choses alors que la nature même nous a conditionné à oublier ?  C’est là tout l’enjeu. Comprendre le processus d’oubli permet de comprendre le processus de mémorisation. 

Principe 2 Un élément, même oublié, continue à exister en mémoire

Et ça c’est très facile à tester. Voici une liste de 20 mots que vous allez lire les uns à la suite des autres, sans spécialement faire des efforts de mémorisation. Donnez-vous 5 secondes par mot, pas plus. Ensuite, prenez un bic et une feuille et notez les mots dont vous vous souvenez. On y va : Loup, Bouteille, DVD, Tulipe, Historique, Ascenseur, Indigo, Bouilloire, Scarabée, Religion, Chêne, Métro, Idéogramme, Carrefour, Nuance, Quatre-vingt, Malin, Philippe, Moscou, Parachute.

On teste ?

Maintenant, écrivez les mots dont vous vous souvenez. Combien en avez-vous ? 5 ? 10 ? 15 ? 20 ? Si vous n’êtes pas à 20, c’est normal. Mais ce que je veux vous prouver c’est que même si vous ne vous souvenez pas des mots étudiés ici, ils continuent à être quelque part dans votre tête. La preuve, je vous donne des indices pour chaque mot :

Animal/meute => ? 

Objet/plastique/eau => ?

Film/lecteur  => ? 

Fleur/Hollande  => ? 

Adjectif/Passé/personnage (ou navigation/traces/google)  => ? 

Monter/étage  => ? 

Bleu  => ? 

Objet/chauffer => ? 

Insecte noir/Aladdin (chacun ses références)  => ? 

Cours/Monothéiste  => ? 

Arbre  => ? 

Transport public  => ? 

Caractère chinois  => ? 

Rencontre de plusieurs routes  => ? 

Gradation/teinte  => ? 

Chiffre  => ? 

Adjectif/intelligent  => ? 

Le prénom d’un roi belge  => ? 

Une capitale  => ? 

Objet/air/saut  => ? 

Alors vous avez les 20 ? En tout cas, au pire vous n’êtes pas très loin. Le but ici est de montrer que lorsqu’on étudie quelque chose, même en peu de temps. Les informations sont là quelque part et il faut aller les chercher. Normalement, à l’indice « bleu » vous avez certainement répondu « indigo », pas « turquoise » ou « cyan » pour « transport public » vous avez répondu « métro » et non pas « tram » ou « bus ». Votre mémoire a donc enregistré les mots MAIS si ces mots ne sont pas répétés, tout comme une leçon ou un cours, ils s’évanouissent au fur et à mesure du temps.

Les informations mémorisées, même oubliées, peuvent être rappelées à la mémoire. C’est tout l’intérêt de la courbe de l’oubli. Répéter à des moments stratégiques pour faire en sorte que ces informations restent longtemps en mémoire

Principe 3 : On se souvient plus facilement de début et de la fin d’un apprentissage

Si vous regardez le premier jet de votre liste de mots, il est très fort probable que les premiers mots dont vous vous souveniez soient les premiers de la liste et les derniers. C’est ce que H. Ebbinghaus a baptisé l’effet de primauté (le début de la liste) et l’effet de récence (les derniers mots appris/lus). C’est toujours bon à savoir lorsqu’on veut étudier une matière.

Placez les éléments les plus difficiles à retenir en début et en fin d’apprentissage.

Principe 4 Répéter renforce la mémorisation

Rien de neuf sous le soleil. Plus il y a de la répétition, plus des éléments vont être retenus. C’est le cœur de la courbe de l’oubli : Plus un élément sera répété à des moments précis, plus cet élément restera en mémoire. Ce qui nous conduit au principe suivant.

Principe 5 : Répéter à des moments stratégiques renforce encore plus la mémorisation

Au bout de 30 jours, sans répétition, les mots sont oubliés. Plus il y a de répétitions espacées, moins les mots sont oubliés au fur et à mesure du temps. En graphique ça donnerait ceci (il s’agit d’un exemple illustratif, pas d’une étude) : 

 

Ainsi, cela peut varier d’une personne à l’autre, d’une réalité à l’autre, mais en gros, les moments de répétitions peuvent être :  (1) répétition quelques heures après l’étude -> (2) répétition 1 jour après -> (3) répétition 2 jours après -> (4) répétition 4 jours après -> (5) répétition 14 jours après -> (6) répétition 30 jours après -> etc.

La répétition doit être espacée pour être efficace. En d’autres termes, si vous ou votre enfant/ado doit étudier les capitales des pays pour demain, il les étudie aujourd’hui (c’est ce qui se passe la plupart du temps). Après l’interro, il ne répète plus. Ce qu’il faut faire : Le jour de l’interro (juste après ou le soir) c’est faire l’effort de s’en rappeler et de se corriger sur les éléments oubliés/erronés. Pareil 2 jours après, 4 jours après, 1 semaine après, 2 semaines après, 1 mois après. Pensez-vous que lorsqu’il devra étudier pour son examen, il faudra repartir de zéro ? Je vous garantis que 80-90% de ce qu’il a étudié la veille de l’interro sera encore bien frais !

Principe 6 Il faut +/- 7 répétitions espacées pour se souvenir longtemps

C’est pas moi qui le dit, c’est Hermann Ebbinghaus. Il a calculé, et d’autres après lui aussi, qu’au bout de 7 répétitions espacées, une information restait durablement en mémoire. Pour certains ce sera 5 pour d’autres 8, mais au bout d’environ 7 répétitions l’information est ancrée en mémoire, l’effort de rappel beaucoup moindre. J’insiste bien, les répétitions doivent être espacées dans le temps : Répéter tous les soirs pendant 7 jours n’est pas efficace…C’est l’espacement et l’oubli entre les espacements qui augmentent la qualité de la mémorisation.

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Principe 7 Les phases de sommeil sont essentielles entre les répétitions

Le sommeil est essentiel pour les capacités de mémorisation. Oubliez les nuits blanches : Le sommeil améliore la mémorisation. Ne négligez pas le sommeil, c’est un excellent allié de la mémoire.

La courbe de l’oubli : en résumé

Les principes de la courbe de l’oubli sont généralisables à la majorité des apprenants. Ceci dit, il existe bien entendu différents facteurs qui influencent la mémorisation. Le plus important à savoir ici c’est : 

Oublier est un processus normal : pas la peine de se sentir bête quand on oublie…

Répéter est important pour mémoriser : mais pas n’importe quand

Espacer les répétition : Etudier une fois en bloc n’est pas efficace à long terme, il faut répéter à (par exemple) J+1 J+2 J+4 J+7 J+14 J+30 J+60 

Augmenter l’espacement au fur et à mesure : Ne pas répéter tous les soirs pendant 1 mois, augmenter l’espace entre les répétitions au fur et à mesure

Bien dormir entre les répétitions espacées ! 

Savourer le sentiment de développer vos capacités 

Et juste pour le fun, je vous invite à prendre une feuille blanche et à refaire le test des 20 mots ci-dessus sans les relire. Ensuite, allez chercher les indices. Vous serez surpris de votre capacité à avoir gardé sans le savoir/vouloir des mots précis en mémoire.